Le mot rituel provient de rtu, mot Sanskri signifiant “menstrues”. Avant que n’apparaissent les sacrifices d’êtres vivants, c’était le sang menstruel qu’on offrait durant les cérémonies. Le sang menstruel était sacré pour les Celtes, les anciens Égyptiens, les Maoris, les premiers Taoïstes, les Tantristes et les Gnostiques.
Les autochtones d’Amérique comprenaient très bien les différents sentiments que les femmes avaient lorsqu’elles étaient menstruées – et pour eux, ces sentiments faisaient partie de quelque chose de très significatif pour les cycles du corps de la femme. Les femmes se retiraient dans une hutte menstruelle pour y passer le temps durant leur saignement. Ce temps était considéré comme le point culminant du pouvoir spirituel d’une femme, et l’activité la plus appropriée de faire était de se reposer et de rassembler leur sagesse.
En 1986, je rencontrai un enseignant des traditions autochtones d’Amérique. Il m’enseigna qu’une femme menstruée avait le potentiel d’être plus puissante psychiquement et spirituellement qu’aucune autre personne, soit-elle masculine ou féminine, et ce à tout moment. Cela renversa ma vision préconditionnée de la réalité. J’avais toujours considéré mes règles comme un moment de faiblesse et de difficulté – de quoi cet homme était-il entrain de me parler ?
Il m’a dit de creuser un trou dans le sol et, au-dessus, de parler de mes pensées négatives à propos de la féminité, à propos du sang menstruel. Il m’a dit que la terre transformerait cette énergie négative que j’avais de ma nature féminine. Je me sentais assez folle de faire cela, mais je le faisais quand même, et j’étais amusée de découvrir tous les mauvais sentiments que j’entretenais en moi, sur le fait d’être femme, surtout que je me considérais comme quelqu’un de très féministe. Cet exercice a été douloureux, mais très effectif.
J’ai commencé à voir mon sang avec une certaine nuance de respect, plutôt que de la peur, du dégoût ou de l’indifférence. À ce moment, je n’utilisais plus de tampons, j’observais alors adéquatement mon sang chaque mois, plutôt que de le voir sur un vieux tampon dégoûtant. J’ai vu qu’il était clair et rouge, et parfois plus sombre et coagulé. Si j’avais vraiment libéré ma vision, j’aurais pu voir que c’était plein de vie, plein de magie, plein de potentiel. Je commençais à ressentir un frisson de joie lorsque je pensais à mes saignements, à propos du fait d’être une femme, qu’il y avait quelque chose, après tout, d’extraordinairement magique et mystérieux habitant le corps féminin. Le ressentiment que j’avais d’être une femme, à mon adolescence et au début de la vingtaine, le sentiment que les gars avaient de meilleures conditions, tout cela disparu et fut remplacé par un sentiment grandissant d’émerveillement devant les complexités et la profondeur offerts par le cycle menstruel.
Je commençai à prendre le temps de me reposer et de méditer, de juste être avec moi-même durant mes règles. J’ai trouvé qu’il s’agissait d’un temps où j’étais particulièrement introspective, et que cette introspection était d’une nature intemporelle. Je sentais que je puisais dans une source vaste et ancienne de sagesse féminine – simplement en m’asseyant et en prenant le temps d’écouter, alors que je saignais. En prenant ce temps, je créais une relation toute différente avec mon propre corps. Ma santé s’en trouvait améliorée et graduellement les crampes que j’avais eues toute ma vie s’étaient vues diminuées et mes règles étaient devenues un temps de plaisir plutôt que de souffrance.
J’en suis venue à vraiment m’apprécier moi-même. Bien sûr, vous ne pouvez pas forcer l’amour envers vous-même, tout comme vous ne pouvez pas forcer personne à vous aimer. Cela arrive, très graduellement, et plusieurs personnes apparurent dans ma vie et m’aidèrent à me percevoir plus clairement. Mais le plus important au départ c’était de savoir que les menstruations sont la source du pouvoir. Cette information inestimable, associée au fort instinct que j’avais de considérer le pouvoir de l’utérus, transforma profondément et largement le non-respect que j’avais de moi-même, en grande partie inconsciemment.
La pensée que les menstruations sont une source de pouvoir pour les femmes allait complètement à l’opposé de ce qu’on m’avait conditionnée à penser, et pourtant je savais dans mon cœur que c’était vrai. Je réalisai que dans la dichotomie existant entre ce que notre culture nous enseigne et ma réaction audacieuse de “Oui, bien sûr!” à cette ancienne sagesse, il y avait beaucoup d’énergie. Où vous trouvez les endroits où une culture se dissocie d’une vérité naturelle vous trouvez une clé, une voie à travers les maladies d’une culture. J’ai commencé à comprendre que la séparation entre, d’une part, la sagesse et le pouvoir lié aux menstruations que je percevais, et d’autre part, les attitudes de la société moderne envers l’utérus, était au cœur de la soumission et du déni de la réalité et l’expérience féminine.
Les changements survenus dans la vie des femmes au cours des trente dernières années peuvent semblés comme une révolution, mais de plusieurs façons, il s’agit plutôt d’une assimilation. Les femmes recherchant le pouvoir dans un monde dominé par l’homme tendent à le faire en agissant comme un pseudo-homme. Et peut-être involontairement, le féminisme a-t-il joué un rôle dans la suppression des menstruations. Une des plus grandes peurs que j’ai rencontrée chez des femmes ambitieuses et accomplies lorsque je discutais des anciennes pensées sur le pouvoir spirituel des menstruations, est que cela affecterait, d’une certaine manière, leur mythe d’être “tout aussi bien qu’un homme, et parfois meilleure”. Plusieurs femmes refusent d’aller plus profondément dans leurs menstruations, de peur de ce qu’elles vont y découvrir. Il vaut mieux pour elles de supprimer leurs émotions avec des tranquillisants, de se vaporiser le vagin avec des déodorants pour déguiser l’odeur du sang, d’engourdir leurs douleurs avec des analgésiques, d’absorber leur sang avec des tampons afin qu’elles n’aient jamais à le voir vraiment. Il est ainsi plus facile de réussir en tant que femme dans un monde d’hommes.
La technologie de suppression – tampons, déodorants vaginaux, analgésiques sophistiqués et médicaments régularisateurs d’émotions – agissent ensemble au nom du mythe de la super-woman, pour créer une attitude culturelle prédominante voulant qu’une femme menstruée ne soit pas différente de celle qui ne l’est pas. Le problème avec ça, c’est que c’est tout simplement faux. Toute femme qui est le moindrement en contact avec son propre corps sait que lorsqu’elle est menstruée et même quelques jours avant qu’elle ne le soit, elle se sent différente. C’est un fait naturel qui ne peut tout simplement pas être nié.
Un des aspects des menstruations que j’aime et apprécie maintenant est son côté prévisible imprévisiblement. On ne sait jamais exactement quand elles vont survenir, et parfois elles vous surprennent complètement. Non seulement ne tiennent-elles pas compte des calendriers et des horaires, elles sont également salissantes. Hourra ! Nous essayons d’assainir et ordonner notre vie moderne, jusqu’au point où nous courrons le danger qu’il n’y ait plus de vie en nous. Les règles nous sauvent de cette mort – elles sont sauvages et primitives, brutes et instinctives, sanglantes et éternel aspect du féminin – et rien de notre civilisation ne changera cela. Mes règles sont un événement mensuel de ma vie, en commun avec toutes les femmes ayant vécues. Les femmes ayant vécu dans les cavernes, il y a plus de vingt mille ans, les prêtresses de l’Égypte Ancienne, les prophétesses de l’Ancienne Sumer, etc., toutes saignaient avec la lune. La première femme qui fabriqua le feu avait probablement ses règles à ce moment. C’est une idée. Si les menstruations sont un temps de créativité intense pour les femmes, autant psychiquement que spirituellement, qui sait tous les dons et découvertes ont pu être apportés à l’humanité par des femmes menstruées?
La valeur que nous donnons aux menstruées est intimement liée à la valeur que nous nous donnons nous-mêmes, en tant que femmes. Et cela affecte les hommes également. Nous voyons les deux sexes comme étant des êtres séparés, et d’une certaine manière, ils le sont. Mais d’une autre, nous faisons tous partie de cette famille humaine, et la manière dont les femmes se perçoivent affecte les hommes aussi. Si nous voyons les choses seulement en surface, nous pouvons croire que l’homme avait le beau rôle dans les deux derniers millénaires – mais c’est seulement vrai d’une certaine perspective. Les hommes comme les femmes ont joui et souffert des déséquilibres de la société patriarcale. Les hommes ont également été séparés de leurs corps et de leurs émotions, et du plaisir et de la guérison possibles dans une relation de coopération plutôt que dans une relation de hiérarchie et de dominant/dominée.
Imaginez un monde où les hommes et les femmes travaillent ensemble à développer leur sens de paix intérieure, en prenant du repos pour quelques jours, une fois par mois. Un monde dans lequel les hommes encouragent les femmes à prendre quelques jours de paix, de silence. Un monde où le sang menstruel serait une fois de plus considéré comme un liquide magique, ayant le pouvoir de nourrir la vie nouvelle. Un monde où les menstruations seraient vues comme le Sabbat des Femmes – un espace naturel pour la retraite, l’introspection et le travail intérieur, une fois chaque cycle lunaire. Duquel les femmes émergeraient comme des nouveau-nés, renouvelées, ayant mué de leur vieille peau.
Il y a quelques années, j’ai eu l’opportunité de passer quelques périodes de temps, seule dans un coin magnifique, dans les Sierras, près du Lac Tahoe, sacré pour les Indiens. J’ai commencé à faire des retraites lorsque j’avais mes règles, était ainsi en paix et seule, assise sur la terre au soleil, avec des lézards et des geais bleus pour seule compagnie, avec le vent, la lune et le soleil, les rayons de couleurs reflétant sur le lac pour me guider et me divertir. Je voyageais à l’intérieur de ma psyché et je me retrouvais parfois en pleurs, pour quelque chose longtemps oublié, un événement de mon enfance ou de mon adolescence. Mes règles devinrent un temps où je me trouvais particulièrement capable de m’ouvrir au matériel psychologique et à relâcher mes émotions. Je remarquai que, après les quelques premiers jours de saignement, je devenais très silencieuse et calme pour un jour ou plus, et où apparemment rien ne se passait – un espace vide après tant de pleurs et de souvenirs. Puis, alors que mes règles se terminaient, il y avait quelques heures de clarté pendant lesquelles j’étais très créative, ouverte aux informations à propos du futur – généralement sur le mois à venir, parfois plus qu’un mois. Cette tendance se poursuit, bien que moins intense maintenant.
La plus grande partie de l’encombrement psychiques profondément ancré en moi a été libéré – probablement autant que ma psyché souhaitait m’en faire aborder à ce stade de ma vie. Maintenant, je me sens plus “mise-à-jour” avec moi-même, alors il y a moins de lâchers-prise, probablement à cause de tout le travail que j’ai fait là-dessus les mois précédents. Je me bats encore avec le temps vide, en commençant à faire certaines choses, m’imaginant que si rien ne se passe à l’intérieur, c’est que je peux retourner à mes affaires dans le monde extérieur. Puis, je reconsidère la chose, en me disant que j’ai accompli peu et usé de beaucoup d’énergie. Il est difficile de s’asseoir calmement lorsque rien ne nous apparaît pour le travail intérieur, il est difficile pour moi d’honorer ce vide, même lorsque je sais qu’il précède la créativité, l’inspiration et les idées nouvelles. Cela fait partie du processus, mais c’est une partie un peu dramatique où j’ai encore tendance à me fouler les pieds.
Je n’ai pas de rituel quotidien de méditation. Je préfère ajuster mon temps de contemplation avec mes propres impulsions. Souvent, lorsque j’ai mes règles, je vais dans un endroit calme, solitaire et méditatif pour trois ou quatre jours, et puis le reste du mois, je me repose moins. Cela me paraît comme un rythme naturel pour moi, et c’est pourquoi je vois les menstruations comme le Sabbat des Femmes.
Saigner sur la Terre
Traditionnellement, les femmes autochtones d’Amérique se rendaient à une loge-lunaire où elles saignaient, et elles le faisaient sur la mousse, assises sur la terre. Elles considéraient que la relation entre les femmes et la Terre était très importante, et cette relation était nourrie grâce aux saignements sur la terre. Lorsqu’elles font cela, les femmes ont un lien direct et cellulaire avec la terre, qui les stabilise et les équilibre.
Lorsqu’une amie m’a parlé pour la première fois de saigner sur la terre, j’ai pensé que c’était un peu dingue, un peu prétentieux. Mais j’ai quand même tenté de le faire, puis j’ai commencé à ressentir une connexion avec quelque chose de très ancien. Un des problèmes que j’avais perçu était comment j’étais sensée le faire. Les femmes autochtones le faisaient assises sur de la mousse, dans les loges lunaires. Où étais-je supposée m’asseoir et saigner ? Même si je trouvais un bout de terre pour m’asseoir dessus, je ne souhaitais pas y rester tout le temps. Puis, j’ai commencé à utiliser des serviettes en tissu pour absorber mon sang et les tremper dans l’eau avant de les laver. J’ai réalisé que je pouvais verser l’eau de sang sur la terre. Alors, c’est ce que je fais maintenant. L’eau est d’un beau rouge, et je la verse sur le sol près des plantes, et ce faisant, cela me remplit d’un sentiment de connexion, de légitimité, d’être en paix avec quelque chose qui est souvent négligé dans la société moderne. De simples gestes de valeurs, un simple savoir.
C’est comme couper du bois, bercer un bébé, faire cuire du pain, boire à une source d’eau coulant à travers la montagne. Ce sont de ces actes d’êtres humains qui sont intemporels, de valeur éternelle, faisant partie de notre vie et de notre mort. Les cellules qui meurent dans mon corps, emportées dans le sang menstruel, sont de la nourriture pour la terre. Ce qui meurt donne la vie. Ce qui meurt nourrit ce qui vit et ce qui vivra. Si j’ignore mon sang, je me distancie de ce savoir. Si je crains et déteste mon sang – si je ne sais pas qu’il s’agit d’une nourriture, qu’il s’agit d’un don que je porte – alors que je vois comme une pure perte. Une perte de sang, une perte de temps, un enfant qui n’a pas été conçu. Que je désire une grossesse ou non, mon sang est toujours un don, un cadeau. Et c’en est un au sens littéral, tout comme un don psychique à moi-même. C’est un cadeau de mon corps pour la terre : la mère qui m’a nourrie et qui me nourrie tous les jours de ma vie. » – Lara Owen
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